Comment réussir son Couchsurfing ?
Expérimenter le Couchsurfing
EDITORIAL : VICTORIA K. T.
L’hébergement chez l’habitant ne serait pas le même si la plateforme Couchsurfing n’existait pas. Précurseur des sites d’hébergement gratuit entre millions de voyageurs, elle a donné une nouvelle dimension à l’aventure. À mon tour de partager mon expérience pour les surfers en devenir…
Hangouts
Pour la première fois de ma vie, je décide d’expérimenter le couchsurfing. Si cette communauté d’hôtes et de voyageurs propose d’abord d’accueillir chez soi des aventuriers de passage, elle permet aussi des rencontres autour d’une visite culturelle ou d’un simple verre. J’installe l’application et étudie aussitôt les annonces des « surfers de ma région ».
Localisée à Taipei, les propositions défilent sur la page « Hangouts ». Entre une visite d’un temple bouddhiste, une randonnée ou un karaoké, mon coeur oscille… Fidèle à moi-même, je rejoins finalement un groupe déjà constitué autour de l’évènement « boire une bière ».
Récit de voyage
Première sortie
Après avoir raccroché avec ma frangine — afin de disséminer des indices si je venais à disparaître hachée menu dans un sac poubelle — je rejoins un expatrié français qui me propose d’aller dans un pub « hyper sympa, tu verras ». Je ralentis mon pas à mesure qu’il débite un paquet d’immondices sexistes sur les voyageuses qu’il a croisé via l’application. Quand les termes « faciles », « décolleté » et « en échange d’un toit » ont été prononcé, je décidais de faire demi-tour mais nous étions déjà arrivés.
Mon alcoolyte me présente le tenant du pub, un émigré Hong-kongais, réfugié sur l’île de Formose pour gagner quelques années de quiétude. Comme beaucoup de ressortissants, il compte sur le soutien américain (cette chimère) face à une possible invasion chinoise. En attendant, il vit sa meilleure vie depuis l’ouverture de sa cave à bière, intimiste et chaleureuse, dont l’estrade permet aux jazzmen aguerris et aux musiciens d’enchanter la scène.
Plus tard, je conviais un second surfer à rejoindre la partie (et devenir témoin oculaire de mon possible trépas). Pendant que les deux hommes blancs rivalisaient de ridicule sur, qui d’entre eux deux connaissaient mieux l’Asie, avant de basculer bien sûr dans un eurocentrisme condescendant teinté d’expression de respect pour ces cultures « bizarres, enfin, différentes », je sirotais ma pinte de lager pour supporter la médiocrité de certains humains.
J’étudiais la superbe voûte en pierre blanche quand un local a sauvé ma soirée.
Bridget Jones
L’invité surprise tacle gentiment ma « dégaine de tonton », avec ma sacoche nouée à la taille et mes chaussures de randonnée. Il est vrai que mon égo n’était pas au top de sa forme depuis que j’avais franchi les frontières du pays, qui compte un nombre ahurissant d’individus au look épatant. Je lui rétorque que la banane et les tongs ne sont pas que l’apanage des beaufs, mais l’opinion des gens qui n’ont pas voyagé !

J’oublie assez vite les surfers un peu nuls et me consacre aussitôt à cette rencontre fortuite et plus sympathique qu’est « Le Taïwanais ». Très vite la soirée prend l’allure d’un film comico-sentimental. « Le Taïwanais » se métamorphose en « Bridget Jones » et finira dans mes bras. Fraîchement largué par son petit ami, c’est la grosse chialade. Il paiera mes services de psy en bières. Quel chic type.
Au bout du énième verre, je rencontre sa meilleure amie qui m’offre du travail, ainsi que le tôlier qui nous rejoint avec sa guitare. Le tenant du bar fredonne de la folk taïwanaise et Bridget pousse la chansonnette. Quand la fermeture arrive, nous sommes autorisés à poursuivre le tapage nocturne (à chanter excessivement faux et à nous esclaffer) jusqu’au petit matin.
Le français nous invite à poursuivre les festivités dans sa colocation.
Ici, l’expat’ importe du vin Français. Il est fier de nous faire goûter à ce qu’il estime être un « Grand Cru » (ce n’était pas le cas — mais j’étais trop heureuse de boire à nouveau cette liqueur qui avait vaguement le goût de mon pays).
Enfin, il finit par s’assoupir dans son propre lit. Nous, les invités, filons sans un bruit. Je n’ai qu’une hâte : rentrer ! Mais Bridget Jones ne l’entend pas de cette oreille et nous emmène dans un boui-boui. Il est encore tôt quand trois bouillons fumants atterrissent sur la table bancale d’un restaurant. Il semblerait que cette adresse insolite situé au bord d’un carrefour routier s’avère être le rendez-vous favori des travailleurs matinaux. C’est une drôle d’expérience qu’est de petit-déjeuner dans l’accalmie propice à une ville qui s’éveille, tout en maudissant les véhicules qui frôlent notre tablée. Deux mondes qui se côtoient : la nuit, pas tout à fait prête à partir, avec ses éclairages festifs, ses riverains enivrés qui se meuvent comme des marionnettes. Un splendide théâtre d’ombres chinoises dans l’atmosphère rosée que le jour apporte.
Un nouvel an lunaire

Une fois repue, je n’avais qu’une hâte, retrouver mon auberge. Une fois de plus, Bridget chamboule mes plans. Pour lui, il était hors de question que je passe la « Fête du Printemps », seule, atterré que je puisse même y songer. Alors, pour me prouver que son capital sympathie était sans égal, il m’a invité à célébrer l’année du rat au sein de sa famille.
C’était très chouette. Une tradition respectée dans la joie et la convivialité, avec un inconnu rencontré au comptoir quelques heures plus tôt. Je peux le dire : mon expérience de couchsurfeuse a été un franc succès. Non pas grâce aux personnes rencontrées par le biais de l’application, mais grâce à un concours de circonstances qui m’en a fait vivre d’autres, bien meilleures. En ce sens, Couchsurfing répond à son objectif premier : faire des rencontres.
Mes expériences suivantes en tant qu'invitée
En tant que « guest »…
J’ai couchsurfé tout au long de mon séjour, cette fois en tant que « guest » (invitée). Une façon formidable et inédite pour moi de découvrir Taïwan, dont l’hospitalité n’était plus à prouver. J’ai vécu cette expérience en binôme. C’est un avantage comme un inconvénient : traverser le pays à deux est rassurant, mais les hôtes m’ont parus moins disposés à nous accueillir car nous prenions désormais deux places. En revanche, nos chances de trouver un hôte via l’application a été multipliée, puisque chacun de nous disposait de son quota de requêtes (20 demandes/semaine au lieu de 10).
Parfois, il m’arrivait de dormir sur un matelas au sol, entre l’entrée et le salon. Ce n’est pas si terrible que ça en l’air, mais on ne peut s’empêcher de se sentir envahissant quand les hôtes vous enjambent au petit matin pour aller travailler. Surtout quand la veille, vous avez déclenché le système d’alarme par mégarde, à l’heure des boulangers. Rassurez-vous, le karma m’a bien puni chez un autre hôte où, chaque matin, à 06h00 pétante, j’étais réveillée par un robot-aspirateur de l’enfer.
7 conseils pour être un "guest" idéal 🏠
Conseil No ① : Rédigez une description complète. In english, please. Il s’agira de votre pièce d’identité, votre carte de visite qui rassurera vos hôtes potentiels. Protip: pour mes soeurs qui voyagent seules, précisez que vous rejoignez quelqu’un, que vous êtes attendue à un moment précis de votre itinéraire, et non pas totalement livrée à vous même dans un pays inconnu. Même s’il s’agit d’un énorme mensonge. / Conseil No ② : Fiez vous aux avis des hôtes. Choisissez ceux dont les commentaires sont élogieux et les profils « vérifiés ». / Ne spammez pas. Conseil No ③ : Faites votre demande d’hébergement en bonne et due forme, sans copier/coller un message type à tous les hôtes de l’application. Celle-ci limite les requêtes (les membres peuvent envoyer 10 demandes en 1 semaine, seulement). / Conseil No ④: Indiquez votre date d’arrivée et… de départ. L’hôte n’est PAS à votre disposition, c’est vous qui intégrerez son quotidien. Ca semble évident mais ne rentrez pas tard, ou ne squattez pas la salle de bain plus que de raison. / Conseil No ⑤ : Le couchsurfing n’est pas une nuit d’hôtel gratos. C’est une rencontre basée sur la notion d’hospitalité qu’il faut absolument préserver. Votre hôte voudra certainement discuter avec vous, peut-être même jouer les guides touristiques ! / Conseil No ⑥ : Prévoyez un plan B. Hélas, la vie n’étant pas toujours un Long Drink tranquille, l’hôte est en droit de vous refuser l’hébergement pour x raison, et ce, même à la dernière minute. / Conseil No ⑦ : N’arrivez pas les mains vides, surtout si vous comptez rester plusieurs jours : un magnet du pays d’où vous venez, des bières, une carte postale à votre retour… une attention qui fait plaisir ! / No ⑧ Anticipez vos futures nuits en Couchsurfing quelques jours, voire semaines en amont.
Les inconvénients du Couchsurfing
Je ne serai pas de cell.eux qui clament haut et fort combien l’expérience est idéale. Des inconvénients, il y en a eu, à commencer par les vents. Attendez-vous à vous en prendre régulièrement. Se manger des cyclones Katrina en plein dans l’égo quand on s’est appliqué à écrire un poème en alexandrins pour demander le gîte peut se justifier de bien des manières : l’hôte en question a tout bonnement été insensible à votre prose ; vous avez salement copié/collé un message en oubliant de remplacer le prénom (cf, la malédiction des lettres de motivation) ; vous vous en apercevez 23 messages trop tard ; de fait, vous avez bêtement épuisé votre quota hebdomadaire ; l’hôte n’a qu’un seul canapé-lit dans lequel il dort aussi ; l’hôte a la tête de quelqu’un qui mange des ovaires crus au petit-déjeuner et n’accepte, de surcroît, que des femmes voyageant seules ; l’hôte a des restrictions plus dures que celles d’un couvent… et enfin, l’inconvénient No ① since 2020 : la plateforme est devenue payante. Les filous ! 2.39 $ pour un mois ou 14.29 $ pour un an de souscription. Les abonnés des premières heures ont ainsi perdu l’accès à leur propre compte, liste d’amis, messagerie… et sans préavis. Le partage, le volontarisme et l’échange ont disparu en même temps que l’éthique de cette plateforme.
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